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TUNISIE
LES REFORMES DES LOIS ET PRATIQUES
REPRESSIVES PRENNENT DU RETARD
COMMUNICATION D'AMNESTY INTERNATIONAL POUR L’EXAMEN
PERIODIQUE UNIVERSEL DE LA TUNISIE – 27
E SESSION DU GROUPE DE
TRAVAIL DE L’EPU, MAI 2017




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Amnesty International est un mouvement mondial réunissant
plus de sept millions de personnes qui agissent pour que les
droits fondamentaux de chaque individu soient respectés.
La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où
chacun peut se prévaloir de tous les droits énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres
textes internationaux relatifs aux droits humains.
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particuliers, Amnesty International est indépendante de tout
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Première publication en 2016
par Amnesty International Ltd
Peter Benenson House, 1 Easton Street
Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni

Index : MDE 30/5452/2016
septembre 2016
Version originale : Français

amnesty.org



















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SOMMAIRE
INTRODUCTION
LE PRECEDENT EXAMEN ET SES SUITES :
CADRE NATIONAL DE PROTECTION DES DROITS HUMAINS
LA CONSTITUTION
LE CADRE LEGISLATIF ET LA POLITIQUE
LA SITUATION EN MATIERE DE DROITS HUMAINS SUR LE TERRAIN
UTILISATION ABUSIVE DES MESURES D’EXCEPTION
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
L’IMPUNITE POUR LES RESPONSABLES DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS
VIOLENCE SEXUELLE ET VIOLENCE LIEE AU GENRE
LIBERTE D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE REUNION
RECOMMANDATIONS A L’ÉTAT EXAMINE
ANNEXE
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INTRODUCTION
Ces informations ont été préparées en vue de l’Examen périodique universel (EPU) de la Tunisie, qui se
tiendra en mai 2017. Amnesty International examine la mise en œuvre des recommandations faites lors
du précédent EPU de la Tunisie ainsi que la situation actuelle en matière de droits humains dans le
pays, et formule des recommandations pour que le pays renforce la protection des droits fondamentaux
et relève les problèmes mentionnés dans ce rapport auxquels il est en butte dans ce domaine.
Bien que la Tunisie ait pris des mesures considérables et effectué des changements législatifs
positifs
suite au soulèvement de 2010-2011 afin de mettre un terme aux violations du passé, les
violations des droits humains se poursuivent en Tunisie, et les lois et pratiques répressives restent de
vigueur :
L'adoption en 2014 d'une nouvelle Constitution garantissant des droits humains fondamentaux a été
l'une des grandes avancées de la transition de la Tunisie, car elle permet de faire respecter de
nombreux droits fondamentaux tels que
le droit à la citoyenneté, le droit de créer des partis
politiques, le droit à l'intégrité physique, le droit de circuler librement ainsi que les libertés
d'opinion, d'expression, de réunion et d'association. La Constitution reconnaît que nul ne peut être
détenu arbitrairement et offre des garanties d'équité des procès. Elle prohibe la torture et
l'application de délais de prescription pour ce type d'agissements
, mais conserve l'usage de la peine
de mort et contient des dispositions qui pourraient saper le droit à la liberté d'expression. Amnesty
International attire également l'attention sur d'autres défaillances du système de protection des droits
humains tunisien, notamment la loi de 2015 sur la lutte contre le terrorisme qui restreint les droits
fondamentaux, ainsi que le recours répressif aux lois d’exception.
La torture, les violences sexuelles et les mauvais traitements aux mains d'agents de l'État continuent
d'être dénoncés et les lois qui incriminent les travailleuses et travailleurs du sexe et les relations
homosexuelles exposent les travailleuses et travailleurs du sexe ainsi que les personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) à la violence et à d'autres mauvais traitements
par la police.
L'Instance Vérité et Dignité, chargée d'enquêter sur les violations des droits humains depuis 1955, a
tenu sa première audience publique en novembre 2015. Il s'agissait là d'une occasion sans précédent
d'affirmer l'engagement du pays pour mettre fin à l'impunité pour les crimes du passé. Cependant, les
responsables des violations des droits humains perpétrées avant le soulèvement de 2010-2011 et
depuis n'ont pas eu à répondre de leurs actes.

LE PRECEDENT EXAMEN ET SES
SUITES :
Sur les 125 recommandations formulées par d’autres États lors du deuxième EPU en 2012, la Tunisie
en a accepté 110 et en a rejeté 15. Celles-ci concernaient l’abolition de la peine de mort, la
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dépénalisation des relations entre personnes de même sexe, la diffamation et la discrimination à l’égard
des femmes en matière d'héritage.
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En dépit de son engagement en faveur des droits humains ainsi que des avancées constatées depuis le
dernier examen, la Tunisie n’a toujours pas appliqué certaines recommandations importantes qu’elle
avait acceptées en 2012. La nouvelle Constitution adoptée en 2014 garantit des droits humains
fondamentaux, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes et la liberté d’expression.
2 Elle ne
garantit toutefois pas la liberté de religion et de croyance en dépit d'une recommandation que la Tunisie
avait acceptée.
3 De plus, bien que la Tunisie ait accepté une recommandation l’invitant à rendre sa
législation nationale compatible avec ses obligations internationales, la mise en œuvre de la réforme est
lente et des lois portant atteinte aux obligations internationales du pays sont toujours en vigueur.
4 Le
soutien de la Tunisie aux recommandations visant à mettre un terme à la torture et aux autres formes
de mauvais traitements et à mener des enquêtes sur les allégations de torture ne s’est pas traduit dans
la pratique.
5
Amnesty International déplore que la Tunisie n’ait pas soutenu les recommandations l’appelant à abolir
la peine de mort. Bien que le moratoire sur les exécutions continue d'être appliqué, elle a introduit de
nouvelles lois qui prévoient la peine capitale pour diverses infractions.
6
L’organisation déplore également le rejet des recommandations visant à garantir la non-discrimination
et l’égalité entre les hommes et les femmes.
7 Le Code du statut personnel renferme toujours des
dispositions discriminatoires à l'égard des femmes, bien que le principe d'égalité soit énoncé dans la
nouvelle Constitution tunisienne.8
La Tunisie n'a pas soutenu la recommandation visant à abroger des dispositions législatives érigeant la
diffamation en infraction pénale, celles-ci étant souvent utilisées par les autorités pour réprimer la
liberté d’expression.
9 Les lois qui pénalisent les relations entre personnes du même sexe sont
également utilisées pour engager des poursuites contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexuées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
1 Conseil des droits de l’homme, Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel – Tunisie, 9 juillet
2012, A/HRC/21/5 ; Conseil des droits de l’homme,
Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique
universel – Tunisie
Additif, 13 septembre 2012, A/HRC/21/5/Add.1.
2 A/HRC/21/5, recommandations 114.3 (Suisse, Botswana), 114.4 (Pays-Bas), 114.5 (Allemagne).
3 A/HRC/21/5, recommandation 114.71 (Canada).
4 A/HRC/21/5, recommandation 114.62 (Finlande).
5 A/HRC/21/5, recommandations 114.47 (Grèce), 114.48 (République de Corée), 114.49 (Botswana), 114.50
(Irlande) et 114.52 (Suisse).
6 Le Code pénal tunisien prévoit la peine de mort en cas de meurtre ou autre crime ayant entraîné la mort, incendie
volontaire, viol, trahison et espionnage, entre autres. Le Code de justice militaire prévoit également la peine de mort
pour désertion et désobéissance, entre autres crimes. La nouvelle loi antiterroriste adoptée en 2015 prévoit la peine
de mort pour tout acte de terrorisme ayant entraîné la mort ainsi que pour le viol.
7 A/HRC/21/5, recommandations 116.1 (Autriche, Pologne), 116.2 (Belgique), 116.3 (Canada), 116.4 (Norvège) et
116.12 (Honduras) ; A/HRC/21/5/Add.1.
8 Aux termes de l’article 23 du Code du statut personnel, le mari est toujours considéré comme le chef de famille et
il doit subvenir au mieux de ses capacités aux besoins de son épouse et de ses enfants ; les époux « doivent
remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume ». Les femmes sont toujours
discriminées en matière de garde des enfants et d’héritage aux termes de l’article 58 du Code du statut personnel.
9 A/HRC/21/5, recommandation 117.3 (République tchèque).
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CADRE NATIONAL DE PROTECTION
DES DROITS HUMAINS
LA CONSTITUTION
L’Assemblée nationale constituante a adopté une nouvelle Constitution à une majorité écrasante en
janvier 2014.
10 Ce texte garantit de nombreux droits humains fondamentaux, dont le droit à la non-
discrimination, la liberté d'expression, d'association et de réunion, le droit de circuler librement, le droit
à la vie, au respect de la vie privée, à la liberté et à un procès équitable, ainsi que l'indépendance du
pouvoir judiciaire. Il prohibe la torture et l'application de délais de prescription pour ce type
d'agissements.
11 Certains articles, notamment celui qui interdit de « porter atteinte au sacré », peuvent
toutefois constituer une menace à la liberté d’expression.
12
La Constitution n’a pas non plus aboli la peine de mort. Bien que les autorités aient commué un certain
nombre de sentences capitales en détention à perpétuité, elles ont également prononcé de nouvelles
condamnations à mort.
La Constitution prévoit la création d’une Cour constitutionnelle chargée de veiller à la conformité de la
législation nationale avec la Constitution et les traités internationaux. La mise en place de cette instance
a toutefois été retardée.
13 En conséquence, des droits essentiels garantis par la Constitution sont
toujours mis en péril par des dispositions du Code pénal.
14
LE CADRE LEGISLATIF ET LA POLITIQUE
10Voir Déclaration conjointe d'Al Bawsala, d'Amnesty International et de Human Rights Watch, Tunisie. La
Constitution doit marquer le début d'une nouvelle ère pour les droits humains
(index : MDE 30/003/2014).
11 Tels que les libertés d'expression, de réunion et d'association, et le droit de circuler librement ; le droit à la
citoyenneté et le droits à l'intégrité physique. La Constitution reconnait également que nul ne peut être détenu
arbitrairement et garantit le droit à un procès équitable et le droit à l’asile politique. Elle prohibe la torture et
l’application de délais de prescription en vue d’empêcher toute poursuite pour ce type d’agissements.
12 L’article 6 de la Constitution, qui garantit la liberté de conscience et de croyance mais interdit de porter atteinte
au sacré. Lors du vote, l’assemblée plénière a introduit l’interdiction de « porter atteinte au sacré » ainsi que des
dispositions qui prohibent les campagnes d’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine ou à la violence. Il est à
craindre que les législateurs ou les magistrats n’aient recours à cette interdiction supplémentaire formulée en
termes vagues pour sanctionner les critiques de la religion et d’autres convictions ou idées, alors qu’il s’agit d’une
composante fondamentale du droit à la liberté d’expression.
13 La Constitution prévoit la création d’une Cour constitutionnelle et la loi n° 2015-50 relative à la Cour
constitutionnelle a été adoptée le 3 décembre 2015. Toutefois cette instance n’a pas encore été mise en place en
raison de retards dans la formation du Conseil supérieur de la magistrature, qui doit nommer quatre des
12 membres de la Cour. Une Cour constitutionnelle temporaire de six membres a été approuvée en avril 2014 par
l’Assemblée nationale constituante jusqu’à la formation de la cour officielle.
14 Par exemple, les articles 230 et 226 du Code pénal sont toujours utilisés pour poursuivre les personnes
lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) du fait de leur orientation sexuelle et de leur
identité de genre bien que le droit à la vie privée et à la liberté d’expression, de pensée et d’opinion soit inscrit dans
la Constitution. Pour de plus amples informations, Amnesty International, Tunisie. « Je ne suis pas un monstre ».
Discrimination et homophobie d’État en Tunisie
(index : MDE 30/3903/2016).
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À la suite d’une série d’attentats meurtriers commis en 2015 et en 2016 dans différents endroits du
pays par des individus qui étaient, semble-t-il, affiliés à des groupes armés, les autorités tunisiennes ont
adopté des lois et imposé des mesures de sécurité dont certaines violent les obligations internationales
de la Tunisie en matière de droits humains.
C’est ainsi qu’en mars 2015 le gouvernement a présenté au Parlement le projet de loi n° 25/2015 relatif
à la répression des attaques visant les forces armées. Ce texte doit encore être discuté par le
Parlement. Toutefois s’il était adopté, il permettrait d’engager des poursuites pénales contre les
journalistes, les défenseurs des droits humains et quiconque critique les forces de sécurité et l’armée,
et il donnerait aux forces de sécurité des pouvoirs excessifs d’utilisation de la force meurtrière pour
préserver leurs biens.
15
Une nouvelle loi antiterroriste, adoptée en juillet 2015 pour remplacer une loi de 2003 utilisée par le
régime du président Zine el Abidine Ben Ali pour réprimer l’opposition politique, met encore plus en
danger les droits fondamentaux. Ce texte donne une définition vague et peu précise du terrorisme,
accorde aux forces de sécurité de vastes pouvoirs de contrôle et de surveillance, et fait passer de six à
15 jours la période durant laquelle celles-ci peuvent détenir aux fins d’interrogatoire des suspects
d’actes de terrorisme, ce qui est susceptible d’augmenter le risque de torture et de mauvais
traitements. Il prévoit en outre la peine de mort pour le viol et les actes de terrorisme ayant entraîné la
mort, réduit les garanties d’équité des procès en autorisant les tribunaux à prononcer le huis clos et à
ne pas divulguer l’identité des témoins, et érige en infraction pénale toute déclaration considérée
comme une « apologie du terrorisme ».16
La Tunisie est devenue le premier pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à lever toutes ses
réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDAW) ratifiée en 1985. Le pays a toutefois maintenu une déclaration générale selon laquelle il
n’adopterait aucune décision administrative ou législative requise par la CEDAW qui irait à l’encontre
des dispositions de la Constitution tunisienne.
17
La législation tunisienne ne fournit pas une entière protection contre la discrimination et les violences
sexuelles et liées au genre, y compris quand elles sont imputables à des agents de l’État. Le
gouvernement a commencé, en août 2014, à élaborer une loi exhaustive sur la violence faite aux
femmes et aux filles afin de remédier à ces lacunes et d’améliorer à la fois la protection des personnes
ayant subi des violences liées au genre et les services mis à leur disposition.
18 Le projet de loi est
actuellement examiné par le Parlement.
15 Si cette loi était adoptée, elle exonèrerait les membres des forces de sécurité de toute responsabilité pénale en
cas d’utilisation de la force meurtrière pour repousser des attaques contre leurs foyers, biens et véhicules, dans le
cas où la force utilisée s’avérait nécessaire et proportionnelle au danger. Cette disposition signifierait que les forces
de sécurité seraient autorisées par la loi à répondre par la force meurtrière à une attaque contre des biens ne
menaçant pas leur propre vie ni celle d’autrui ou qui ne causerait pas de blessure grave. Voir Amnesty
International, Tunisie. Retirer ou amender la loi sur la sécurité, MDE 30/1605/2015, 13 mai 2015, disponible sur
https://www.amnesty.org/fr/documents/document/?indexNumber=mde30%2f1605%2f2015&language=fr.
16 Voir Amnesty International, Tunisie. La loi antiterroriste met en péril les droits fondamentaux, il faut adopter des
garanties
(index : MDE 30/2195/2015).
17 Voir la confirmation par l’ONU de la réception de la notification de la Tunisie :
https://treaties.un.org/doc/Publication/CN/2014/CN.220.2014-Frn.pdf.
18 Une fuite dans la presse du premier projet de loi faisait état de propositions en vue d’abroger les dispositions
pénalisant les relations entre personnes du même sexe. Toutefois le ministère de la Femme, de la Famille et de
l’Enfance a été prié de rédiger un nouveau projet de loi, et une version révisée, qui ne propose plus de dépénaliser
les relations entre personnes du même sexe, a été approuvée par le Conseil des ministres et soumise au Parlement
qui doit en débattre. Le calendrier pour l'adoption de cette loi reste inconnu.
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En février 2016, les autorités ont pris l'initiative louable d'amender le Code de procédure pénale pour
répondre aux sujets de préoccupation qui subsistent concernant la torture et les mauvais traitements.
19
Les modifications introduites en juin 2016 prévoient l’accès à un avocat ainsi qu’à des soins médicaux
pendant la garde à vue, dont la durée est réduite, entre autres améliorations des garanties d'équité des
procès. Ces changements sont toutefois affaiblis par des dispositions qui permettent le maintien au
secret jusqu’à 48 heures des personnes soupçonnées d’« actes de terrorisme ». En revanche, les
autres détenus ont le droit de demander à rencontrer un avocat dès leur interpellation et de bénéficier
de sa présence lors des interrogatoires.
En 2013, l’Assemblée nationale constituante a adopté une loi créant une Instance nationale pour la
prévention de la torture composée de 16 membres, et dotée du pouvoir d’inspecter les lieux de
détention sans autorisation préalable, hormis dans certains cas. Toutefois, trois ans plus tard, cet
organe fonctionne toujours mal. Bien que ses membres aient été nommés en mars 2016, un manque
de clarté subsiste quant à sa fonction exacte et à son financement.
Une nouvelle loi sur la justice transitionnelle adoptée en 2013 a créé l’Instance Vérité et Dignité chargée
d’examiner les crimes politiques, économiques et sociaux et d’enquêter sur les violations des droits
humains depuis juillet 1955. Cet organisme a commencé à recueillir des témoignages en mai 2015.
20
Le président Essebsi a annoncé, en juillet 2015, un nouveau projet de loi organique relative aux
dispositions particulières concernant la réconciliation dans le domaine économique et financier.
21 S’il
était adopté, ce texte entraverait les enquêtes futures de l’Instance Vérité et Dignité, notamment parce
qu'il accorderait l’amnistie et l’immunité contre les poursuites aux fonctionnaires et dirigeants
d’entreprises accusés de corruption et de détournement de fonds sous le régime de l’ancien président
Ben Ali s’ils restituaient les sommes volées. Cette proposition a provoqué un tollé auprès de la société
civile et des manifestations dans tout le pays, dont certaines ont été dispersées par un usage excessif
de la force.
LA SITUATION EN MATIERE DE
DROITS HUMAINS SUR LE TERRAIN
UTILISATION ABUSIVE DES MESURES D’EXCEPTION
Les autorités tunisiennes continuent d’utiliser les lois d’exception d’une manière répressive et
disproportionnée. Depuis 2011, la Tunisie a connu l’état d’urgence pendant de longues périodes, la
dernière d'entre elles courant depuis l’attentat qui a coûté la vie à 12 membres de la Garde
19 Loi n° 2016-5 du 16 février 2016 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale.
Disponible sur http://www.iort.gov.tn/WD120AWP/WD120Awp.exe/CTX_17336-164-
FrXgcgEoox/RechercheTexte/SYNC_454400032.
20 Au départ, les travaux de l'Instance ont été relégués à l’arrière-plan par la démission de plusieurs de ses
membres et par des allégations de corruption visant sa présidente ainsi que par un manque de coopération des
autorités et les critiques des médias. La Loi organique n° 2013-53 relative à l’instauration de la justice
transitionnelle et à son organisation a été adoptée le 24 décembre 2013. Disponible sur
http://www.iort.gov.tn/WD120AWP/WD120Awp.exe/CTX_17336-164-
FrXgcgEoox/RechercheTexte/SYNC_454272516.
21Une copie du projet de loi n° 2015-49 sur la réconciliation économique et financière est disponible sur
http://arp.tn/site/projet/AR/fiche_proj.jsp?cp=90496.
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présidentielle dans le centre de Tunis en novembre 2015. Un décret présidentiel de 1978 qui
réglemente l’état d’urgence accorde au pouvoir exécutif des pouvoirs étendus lui permettant de
restreindre la liberté de mouvement, d'association et d'expression. Depuis novembre 2015, les forces
de sécurité ont procédé à des milliers d’arrestations et de descentes, notamment des perquisitions sans
mandat judiciaire, et les tribunaux ont prononcé des peines sévères contre des personnes accusées
d’avoir violé le couvre-feu.
22 Plusieurs centaines de personnes ont également fait l’objet d’ordres de
placement en résidence surveillée et de restrictions de leurs déplacements, le plus souvent de manière
arbitraire et discriminatoire, portant atteinte à leur droit de circuler librement ainsi qu’à leur droit à la vie
privée et familiale et au travail.
23
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le recours à la torture et aux mauvais traitements est répandu en Tunisie, tout particulièrement
pendant la garde à vue. La définition de la torture dans la législation n’est toujours pas conforme aux
normes internationales, et un délai de prescription continue d'être prévu dans certains cas.
24
Amnesty International a reçu depuis 2011 des informations faisant état de torture et de mauvais
traitements et elle a recensé au moins six cas de mort suspecte en détention.
25
Les forces de sécurité ont également harcelé et intimidé des membres de la famille de personnes
soupçonnées d’infractions liées au terrorisme dans le but, semble-t-il, de les contraindre à fournir des
renseignements sur le lieu où se trouvait leur proche. Citons, entre autres, des descentes et des
perquisitions multiples à domicile sans mandat judiciaire, des arrestations arbitraires, des menaces, des
ingérences intentionnelles dans les activités professionnelles par le harcèlement d’individus ou de leur
employeur, et des restrictions à la liberté de mouvement. Les forces de sécurité harcèlent aussi des
hommes et des femmes du simple fait de leur apparence, notamment en les abordant régulièrement
dans la rue ou en les forçant à descendre des transports en commun parce qu’ils portent la barbe ou
22 Voir Amnesty International, Tunisie. Des opérations répressives de grande ampleur mettent en évidence un
recours abusif aux mesures d’exception
, 2 décembre 2015, disponible sur
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/12/tunisia-sweeping-crackdown-signals-abuse-of-emergency-
measures/ et Amnesty International,
Tunisie. Des arrestations et des peines d’emprisonnement témoignent d’un
recours disproportionné à la législation sur l’état d’urgence
(index : MDE 30/3459/2016).
23 Voir Amnesty International, Tunisie. De sévères restrictions à certaines libertés sont les symptômes les plus
récents de mesures d’exception répressives
, 17 mars 2016, disponible sur
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/03/tunisia-severe-restrictions-on-liberty-and-movement-latest-
symptoms-of-repressive-emergency-law/.
24 Malgré des modifications apportées en 2011 au Code pénal, la définition de la torture n’est pas conforme à celle
de l’article 1 de la Convention contre la torture de l'ONU. La définition figurant au nouvel article 101 bis est
restrictive par rapport à celle de la Convention en ce sens qu’elle énumère deux objectifs interdits, à savoir les
aveux et la discrimination raciale. Le recours à la torture pour punir un individu ne figure plus dans la liste des
objectifs interdits, ignorant le fait que des actes de torture sont commis pour d’autres raisons que pour obtenir des
informations. Cette définition limite également la discrimination à la discrimination raciale, en ne tenant pas compte
du fait que des actes de torture peuvent être commis sur la base d’autres formes de discrimination. L'article 5 (4)
du décret 106 adopté en 2011 qui a introduit des changements au Code de procédure pénale prévoit un délai de
prescription de 15 ans pour le crime de torture. Depuis 2015, Amnesty International a recensé plusieurs cas de
torture et de mauvais traitements infligés à des individus pour des faits liés au terrorisme.
25Citons parmi les méthodes de torture le plus souvent signalées dans les postes de police et les centres de
détention les coups, les menaces d’agressions sexuelles contre des détenus et leurs proches, le maintien dans des
positions douloureuses et la privation de sommeil. Ces violations sont le plus souvent infligées pour extorquer des
« aveux » ou à titre de punition. Voir Amnesty International, Tunisie. Communication au Comité contre la torture
(ONU)
, 57ème session, 18 avril-13 mai 2016, (index : MDE 30/3717/2016).
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des vêtements religieux. D’autres sont harcelés parce qu’ils avaient été condamnés en vertu des lois
répressives du régime de Ben Ali.
26
L’IMPUNITE POUR LES RESPONSABLES DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS
L’impunité pour des violations des droits humains dont bénéficient la police et les services de sécurité,
notamment la Garde nationale, la police judiciaire et les unités antiterroristes, n’est fondamentalement
pas remise en cause. Les enquêtes sur des allégations de torture et de mauvais traitements imputables
à des membres des forces de sécurité sont loin de respecter les normes internationales et elles ne
permettent pas aux victimes d'obtenir justice. Seul un petit nombre de procédures ont été engagées
contre des membres des agences chargées de l’application des lois, et rares sont celles qui ont
abouti.
27
Par ailleurs, les auteurs de crimes commis avant le soulèvement de 2010-2011 continuent à bénéficier
de l’impunité. L’Instance Vérité et Dignité a recueilli plus de 47 000 plaintes ; on ignore toutefois si elles
vont déboucher sur des poursuites pénales.
28
VIOLENCE SEXUELLE ET VIOLENCE LIEE AU GENRE 29
Depuis le soulèvement de 2011, de nouvelles allégations ont fait état de harcèlement sexuel et de
violences sexuelles exercées par des agents de l’État.30 Les enquêtes sérieuses débouchant sur des
poursuites sont l’exception dans les cas de violences liées au genre, et les violences sexuelles, tout
particulièrement quand elles sont imputables à des agents de l’État, sont rarement signalées par crainte
des conséquences et de la stigmatisation.
La législation actuelle ne protège pas suffisamment contre les violences sexuelles et liées au genre. Le
Code pénal prévoit des peines pour les « relations sexuelles non consenties » accompagnées de
« violence », mais il ne définit pas le viol en termes d’absence de consentement. Le viol conjugal n’est
pas reconnu comme un crime dans la législation nationale.
31 Aux termes des articles 227 bis et 239 du
26 Voir Amnesty International, Tunisie. Communication au Comité contre la torture (ONU), 57ème session, 18 avril-
13 mai 2016, p. 18-19, (index : MDE 30/3717/2016).
27 Les chiffres fournis par le gouvernement tunisien au Comité contre la torture dans le rapport périodique actualisé
en 2014 indiquent le petit nombre de cas ayant débouché sur des poursuites. Sur les 230 cas examinés par des
tribunaux entre le 1er janvier 2014 et le 1er juillet 2014, six ont été classés sans suite pour manque de preuves ou
pour des motifs juridiques, trois ont débouché sur des peines d’emprisonnement et des amendes prononcées par
contumace, deux sur des peines d’emprisonnement avec sursis et 20 cas ont été renvoyés devant le Tribunal
militaire permanent de Tunis. Les 165 autres affaires faisaient toujours l'objet d'une enquête au moment de la
rédaction du rapport. Comité contre la torture. Examen des rapports présentés par les États parties en application
de l’article 19 de la Convention. Troisième rapport périodique des États parties devant être soumis en 1997,
Tunisie, Additif, Rapport complémentaire comportant des données actualisées, 13 octobre 2014. Disponible sur
http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CAT%2fC%2fTUN%2f3%2fAdd.1
&Lang=en.
28 Voir Amnesty International, Tunisie. Quand les ossements livrent leurs secrets. Le combat pour traduire en
justice les tortionnaires de Faysal Baraket
(index : MDE 30/016/2013).
29Pour de plus amples informations, voir Amnesty International, Tunisie. Les victimes accusées Violences sexuelles
et violences liées au genre en Tunisie
(Index : MDE 30/2814/2015).
30 Meriem Ben Mohamed a accusé deux policiers de l’avoir violée en septembre 2012. Elle a elle-même été
accusée d’« atteinte aux bonnes mœurs » car les policiers l’avaient trouvée avec son fiancé dans une voiture en
pleine nuit. À l’issue d’un procès qui s’est éternisé, les deux policiers ont été déclarés coupables de viol et
condamnés à des peines de 15 ans d’emprisonnement qu’ils purgent actuellement.
31 L’absence de reconnaissance explicite des violences sexuelles dans le cadre du mariage en tant que crime viole
le droit à l’égalité et à l’autonomie sexuelle des femmes et des filles mariées. Les normes internationales exigent
que des poursuites effectives soient engagées pour tous les actes de violence sexuelle sans que les auteurs de tels
actes puissent être exemptés du fait de leur statut marital. Dans son Observation générale n° 19, le comité de la
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Code pénal, les auteurs de viol ou d’enlèvement d’adolescentes et de fillettes – âgées de moins de
20 ans en cas de viol et de 18 ans en cas d’enlèvement – peuvent échapper aux poursuites en
épousant la victime sous réserve qu’elle donne son consentement.
32
La pénalisation des relations consenties entre personnes du même sexe aux termes de l’article 230 du
Code pénal rend les personnes LGBTI vulnérables aux violences et aux mauvais traitements infligés par
la police, qui exploite souvent leur peur d’être arrêtées et poursuivies et les soumet au chantage, à
l’extorsion et, dans certains cas, à des sévices sexuels.
33 Les personnes transgenres sont également
exposées au risque d’être arrêtées et poursuivies en vertu de l’article 226 du Code pénal qui pénalise
l’« outrage aux bonnes mœurs » et les actes considérés comme une atteinte aux bonnes mœurs. Un
grand nombre de gays et de femmes transgenres ont été arrêtés du fait de leur orientation sexuelle et
de leur identité de genre au cours de la période couverte par le rapport d’Amnesty International. Les
crimes homophobes et transphobes ne font l’objet d’aucune enquête.
34
De même, la pénalisation du travail du sexe et de l’adultère aux termes des articles 231 et 236 du Code
pénal, qui prévoient respectivement une peine maximale de deux et cinq ans d’emprisonnement, rend
les travailleuses et travailleurs du sexe particulièrement vulnérables à des mauvais traitements de la
part de la police et les empêche de dénoncer les violations et d’exercer des recours judiciaires.
35
Les victimes de violences sexuelles et liées au genre ainsi que les hommes accusés d'avoir des relations
sexuelles librement consenties avec des personnes de même sexe font l’objet d’examens médicaux
forcés. Lorsque ces examens sont effectués sans leur consentement et comportent une pénétration, ils
peuvent être considérés comme un acte de torture ou une autre forme de mauvais traitements.36
CEDAW a considéré que la définition de la discrimination énoncée à l’article 1 de la CEDAW inclut « la violence
fondée sur le sexe, c’est-à-dire la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche
spécialement la femme » et concerne toutes les femmes quel que soit leur statut matrimonial. Le Comité de la
CEDAW recommande aux États parties de prendre des mesures appropriées et efficaces pour éliminer toutes les
formes de violence liée au genre, qu’il s’agisse d’un acte public ou privé. Il recommande également de veiller à ce
que les lois contre la violence et les mauvais traitements dans la famille, le viol, les sévices sexuels et autres formes
de violence liée au genre assurent à toutes les femmes une protection suffisante et respectent leur intégrité et leur
dignité, et de prévoir des procédures de dépôt de plainte et des voies de recours efficaces, y compris une
indemnisation.
32 L’article 227 bis du Code pénal pénalise les relations sexuelles avec des femmes et des filles âgées de moins de
20 ans « sans leur consentement » et sans recours à la force, mais il ne prohibe pas expressément le viol
d’hommes ou de garçons. L’article 227 bis prévoit une peine de six ans d’emprisonnement pour le viol de filles de
moins de 15 ans et de cinq ans d’emprisonnement si la victime est âgée entre 15 et 20 ans.
33 L’article 230 prévoit une peine maximale de trois ans d’emprisonnement pour « sodomie et lesbianisme ».
34 Voir Amnesty International, Tunisie. Les victimes accusées Violences sexuelles et violences liées au genre en
Tunisie
(index : MDE 30/2814/2015).
35 Les travailleuses et travailleurs du sexe exerçant leur activité de manière illégale sont souvent victimes de viol ou
d’extorsion de la part de la police. Les recherches d’Amnesty International ont révélé que des travailleuses et
travailleurs du sexe ont peur de dénoncer ces violences, par crainte de poursuites ou de peur que leur famille ne
découvre leurs activités.
36Pour établir la preuve de violences sexuelles ou liées au genre, les victimes doivent obtenir un rapport médico-
légal auprès d’une institution publique. Lorsqu’ils examinent une femme, les médecins légistes procèdent à des
« tests de virginité » et évaluent le type de blessures que présente la victime. Les hommes accusés de se livrer à
des activités homosexuelles consenties font souvent l’objet d’examens anaux réalisés par des médecins. Cet
examen, qui est généralement ordonné par un juge dans le but de « prouver » un rapport anal, comporte une
pénétration. Bien que les détenus aient le droit de refuser cet examen, des militants affirment que la plupart des
hommes ne connaissent pas leurs droits et se sentent obligés d’accepter de subir le test ou y sont contraints en
raison de menaces. Les examens de ce type ne reposent sur aucun fondement scientifique, et ils violent
l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements lorsqu’ils sont réalisés sans le consentement
de l’intéressé et qu’ils comportent une pénétration et des examens anaux forcés, comme c’est le cas en Tunisie.
Amnesty International considère que les examens anaux forcés vont à l’encontre de l’éthique médicale inscrite
dans la Déclaration de Genève de l’Association médicale mondiale et des Principes d’éthique médicale applicables
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LIBERTE D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE REUNION
La liberté d'expression continue d'être soumise à des restrictions. Depuis le dernier examen de la
situation en Tunisie, les autorités ont utilisé des articles du Code pénal, qui érigent en infraction la
diffamation envers des personnalités publiques et l’atteinte à la moralité publique, pour réprimer la
liberté de parole, la critique et l’opposition.
37
Les autorités ont également restreint la liberté d’expression et d’association dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme en suspendant des centaines d'organisations et plusieurs stations de radio
accusées d'avoir fait l'apologie de la violence et d'être liées à des « groupes terroristes ».
38 Des
personnes qui avaient critiqué le gouvernement ont été arrêtées et poursuivies au titre de la loi
antiterroriste de 2003 sur la base d’allégations de complicité ou d’apologie du terrorisme.
39
Des civils, qui avaient critiqué l’armée ou des agents de l'État sans recourir à la violence, ont été jugés
par des tribunaux militaires pour avoir « diffamé l’armée » aux termes du Code de justice militaire.
40
L’état d’urgence donne au gouvernement le pouvoir de suspendre toutes les grèves et manifestations,
d’interdire tous les rassemblements considérés comme une menace pour l'ordre public et de les
disperser, ainsi que de contrôler et censurer la presse écrite et audiovisuelle, entre autres médias et
publications. Les forces de sécurité ont, dans certains cas, fait un usage excessif de la force pour
disperser et interpeller des protestataires pacifiques qui avaient enfreint l’interdiction de manifester.
41
Amnesty International a également reçu des informations faisant état de violences infligées par des
membres des forces de sécurité à des manifestants et à des professionnels des médias qui couvraient
des protestations dispersées avec violence. Des journalistes ont affirmé que des policiers les avaient
frappés à coups de poing et de pied et avaient cassé leur matériel.
au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
37 Voir Amnesty International, Tunisie. Incarcérée pour avoir dénoncé le harcèlement policier (index :
MDE 30/001/2015). Voir également Amnesty International,
Tunisie. La liberté d'expression en procès (index : MDE
30/010/2013).
38 Le pouvoir exécutif a pris cette mesure en dépit des dispositions du décret-loi n° 2011-88 de 2011 selon
lesquelles les organisations ne peuvent être suspendues qu’en application d’une décision judiciaire. Voir le rapport
2014/2015 d’Amnesty International,
La situation des droits humains dans le monde, (index : POL 10/001/2015).
39 La loi antiterroriste de 2003 qui avait été largement utilisée par l’ancien président Ben Ali pour réprimer
l’opposition a été remplacée en 2015 par une nouvelle loi qui a restreint encore davantage les droits (voir plus
haut). Voir Amnesty International,
Tunisie. Un professeur risque de la prison pour ses publications sur internet :
Abdelffattah Said
(index : MDE 30/2677/2015).
40 Voir Amnesty International, Tunisie. Un blogueur maintenu en détention par un tribunal militaire doit être libéré,
6 janvier 2015, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2015/01/tunisia-blogger-jailed-military-
court-should-be-released/ ; Amnesty International,
Tunisia. Tunisian blogger faces military court for criticizing
hospital staff
, 28 mai 2013, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2013/05/tunisian-blogger-faces-
military-court-for-criticizing-hospital-staff/.
41 En 2015 le ministre de l’Intérieur a déclaré que même les manifestations pacifiques étaient contraires à la l'état
d’urgence. Pour de plus amples in formations, voir l'entrée sur la Tunisie du Rapport annuel 2016 d’Amnesty
International, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/countries/middle-east-and-north-africa/tunisia/report-
tunisia/.
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RECOMMANDATIONS A L’ÉTAT
EXAMINE
AMNESTY INTERNATIONAL APPELLE LE GOUVERNEMENT TUNISIEN A PRENDRE LES MESURES
SUIVANTES :
CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL
mettre la législation nationale, notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale, en
conformité avec la Constitution et les obligations internationales de la Tunisie en matière de
droits humains ;
Abolir la peine de mort ;
modifier la Loi 2015-25 relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent afin de
la mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains et les
recommandations formulées par les organes des Nations unies spécialisés dans les droits
humains.
42
UTILISATION ABUSIVE DES MESURES D’EXCEPTION

veiller à ce que toute dérogation aux obligations internationales de la Tunisie soit
exceptionnelle, temporaire et dans la stricte mesure où la situation l'exige et à protéger les
droits auxquels il ne peut être dérogé, par exemple le droit à la vie, l’interdiction de la torture et
d’autres formes de mauvais traitements, et le principe de non-discrimination.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
mettre la définition de la torture énoncée à l’article 101 bis du Code pénal en conformité avec
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, et supprimer toute mention de prescription dans la législation nationale ;
mener des enquêtes exhaustives sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements,
y compris le viol et d’autres formes d’agression sexuelle. Engager des poursuites contre les
responsables de tels agissements conformément aux normes internationales d’équité des
procès et sans que la peine de mort puisse être prononcée. Garantir réparation et
indemnisation aux victimes ;

- Plus de références et documents sur Legaly Docs
veiller à ce que les responsables des organes d’application des lois soupçonnés de torture ou
d'autres mauvais traitements soient suspendus de leurs fonctions jusqu’à la fin des
investigations.
L’IMPUNITE POUR LES RESPONSABLES DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS

veiller à ce que les responsables de violations des droits humains, y compris celles commises
sous le régime de l’ancien président Ben Ali, soient traduits en justice conformément aux
normes internationales d’équité des procès et sans que la peine de mort puisse être
prononcée ;
42 § 11-12, Comité contre la torture, Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Tunisie,
CAT/C/TUN/CO/3, 10 juin 2016.
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garantir des réparations complètes aux victimes de violations des droits humains commises
sous le régime de Ben Ali et protéger toutes les personnes qui fournissent des informations
dans le cadre des enquêtes ;
entreprendre une refonte de l’appareil sécuritaire et mettre en place un système de vérification
pour tous les membres des forces de sécurité afin de garantir que les personnes que l'on peut
raisonnablement soupçonner de violations graves des droits humains ne restent pas – ou ne
soient pas nommées- dans des postes où elles pourraient commettre de nouveau de tels
agissements, et rendre public un organigramme clair des différentes branches des forces de
sécurité faisant apparaître la hiérarchie.
LIBERTE D’EXPRESSION, DE REUNION ET D’ASSOCIATION

veiller à ce que toutes les allégations d’utilisation excessive de la force par les forces de
sécurité contre des manifestants pacifiques fassent l’objet sans délai d’une enquête sérieuse et
indépendante ;
modifier ou abroger les lois qui pénalisent l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression,
notamment les articles 121 (3), 128 et 226 du Code pénal qui érigent en infraction pénale les
attaques contre les valeurs sacrées, les atteintes à l’ordre public ou à la moralité publique ainsi
que l’article 98 du Code de justice militaire ;

veiller à ce que toute restriction du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion, y
compris en vertu de mesures d’exception, soit strictement conforme aux normes
internationales.
VIOLENCE SEXUELLE ET VIOLENCE LIEE AU GENRE

adopter une loi exhaustive sur la violence faite aux femmes et aux filles comportant un large
éventail de recours, dont des ordonnances de protection et des peines appropriées, et prévoir
des mesures d'indemnisation des victimes de violence ;
modifier ou abroger les lois préjudiciables, et en particulier :



l’article 227 du Code pénal afin d'ériger explicitement le viol conjugal en infraction
pénale et de redéfinir le viol conformément aux normes internationales ;
les articles 227 bis et 239 du Code pénal afin d’empêcher les auteurs de viols et
d’enlèvements d’échapper aux poursuites en épousant leur victime adolescente ;
les articles 236 et 230 du Code pénal afin de mettre un terme à la pénalisation de
l’adultère et des relations entre personnes du même sexe ;

relâcher immédiatement et sans condition toute personne détenue du fait de son orientation
sexuelle ou de son identité de genre réelle ou supposée ;
mettre un terme aux examens anaux forcés des personnes LGBTI et aux tests de « virginité »
des victimes d’agression sexuelle.
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ANNEXE
AUTRES DOCUMENTS D'AMNESTY INTERNATIONAL TRAITANT DE CES
QUESTIONS
43
Tunisie. Les premières audiences publiques de l’Instance Vérité et Dignité sont une occasion de dévoiler la
vérité et de rendre justice aux victimes, MDE 30/5155/2016, 16 novembre 2016.
Tunisie. 25 ans plus tard, toujours aucun signe de justice pour Faysal Baraket, mort des suites de torture,
7 octobre 2016.
Tunisie. Communication au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, MDE
30/4575/2016, 19 août 2016.
Tunisie. Les autorités doivent mettre en œuvre rapidement les recommandations du Comité des Nations
unies contre la torture, MDE 30/4064/2016, 20 mai 2016.
« Je ne suis pas un monstre ». Discrimination et homophobie d’État en Tunisie, MDE 30/3903/2016,
17 mai 2016.
Tunisie. Communication au Comité contre la torture (ONU), 57ème session, 18 avril-13 mai 2016, MDE
30/3717/2016, 29 mars 2016.
Tunisie. De sévères restrictions à certaines libertés sont les symptômes les plus récents de mesures
d’exception répressives, 17 mars 2016
Tunisie. Des arrestations et des peines d’emprisonnement témoignent d’un recours disproportionné à la
législation sur l’état d’urgence, 30/3459/2016, 17 février 2016.
Tunisie. Des opérations répressives de grande ampleur mettent en évidence un recours abusif aux mesures
d’exception, 2 décembre 2015
Tunisie. Les victimes accusées Violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie,
MDE 30/2814/2015, 25 novembre 2015.
Tunisie. Un professeur risque de la prison pour ses publications sur internet : Abdelffattah Said, MDE
30/2677/2015, 19 october 2015.
Tunisie. La loi antiterroriste met en péril les droits fondamentaux, il faut adopter des garanties,
MDE 30/2195/2015, 31 juillet 2015.
Tunisie. Retirer ou amender la loi sur la sécurité, MDE 30/1605/2015, 13 mai 2015
Tunisie. Incarcérée pour avoir dénoncé le harcèlement policier, MDE 30/001/2015, 6 janvier 2015.
Tunisie. Un blogueur maintenu en détention par un tribunal militaire doit être libéré, 5 janvier
2015.
Tunisie. La Constitution doit marquer le début d'une nouvelle ère pour les droits humains, MDE
30/003/2014, 31 janvier 2014.
Tunisie. Quand les ossements livrent leurs secrets. Le combat pour traduire en justice les tortionnaires de
Faysal Baraket, MDE 30/016/2013, 8 october 2013.
Tunisie. Tunisian blogger faces military court for criticizing hospital staff, 28 mai 2013.
Tunisie. La liberté d'expression en procès, MDE 30/010/2013, 2 juillet 2013.
43 Tous ces documents sont disponibles sur le site Internet d’Amnesty International :
https://www.amnesty.org/fr/countries/middle-east-and-north-africa/tunisia/
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LORSQU’UNE INJUSTICE
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